Qui ne s’est jamais dit : « En Bolivie, ils mangent du quinoa tous les jours ! ». Ce qui n’aurait pas été pour nous déplaire, curieux de découvrir d’autres recettes. Mais détrompez-vous, pas de quinoa sur les tables boliviennes (sauf dans quelques soupes de restaurants végétariens). La raison est simple, sur les marchés il coûte 5€ le kg, soit le même prix qu’en France ! Ceci en fait un produit délaissé par les Boliviens remplacé par les pâtes importées moins chères.
Pourquoi ? Nous avons mené l’enquête pour vous et visité la coopérative biologique CECAOT, deuxième coopérative de producteurs de Quinoa du pays…
Le quinoa est cultivé depuis 7000 ans par les Incas sur l’altiplano (hauts plateaux andins) et désormais il s’exporte dans le monde entier : majoritairement aux USA depuis les années 80 puis au Canada, en Australie et plus récemment en Europe. L’année 2013 fut même déclarée année internationale du quinoa par l’ONU avec pour ambassadeur Evo Morales, actuel président Bolivien.
Pour cause, l’enjeu est de taille ! Produit phare des magasins bio du monde entier, riche en protéines et sans gluten, retenu par la NASA pour nourrir ses astronautes, le Quinoa est un produit d’exportation très rentable pour la Bolivie qui est le premier producteur mondial. Très facile à cultiver puisqu’il peut supporter jusqu’à 200 jours de gel par an, son coût de production s’élève à près de 70 € la tonne alors que son prix sur les marchés internationaux vient de doubler ces six derniers mois pour s’établir à 5000 €/T ! L’extrême volatilité de ce prix a plusieurs conséquences à plus ou moins court terme.
– La situation fait actuellement le bonheur des producteurs boliviens de Quinoa. Il a d’abord été un moteur de l’économie locale de la région de production du salar d’Uyuni, plateau à 4000 mètres d’altitude désertique, mais désormais il crée des conflits au sein des communautés indigènes. On y remet en cause la répartition collective ancestrale des terres au profit de l’appropriation individuelle et de l’enrichissement personnel.
– La production ne pouvant répondre à la demande internationale, la Bolivie craint d‘en perdre le monopole. Elle tente de labéliser sa variété de Quinoa Real, cultivée exclusivement autour du salar d’Uyuni, car certains pays comme la France en cultivent déjà d’autres.
– La production s’exporte en totalité sur le marché nord-américain où le pouvoir d’achat des consommateurs le permet au détriment de la Bolivie (la consommation a diminué d’un tiers ces cinq dernières années), dont la population souffre pourtant de malnutrition.
La totalité de la production des 300 paysans-coopérateurs est cultivée de manière biologique. Le Quinoa poussant dans des conditions très arides, il n’existe pas de différence de rendement entre une culture biologique ou non. Qui plus est, au prix actuel, pas de différence de prix de vente non plus. C’est pourquoi, nous avouent le directeur et le président de la coopérative, il est difficile de rejoindre de nouveaux producteurs en bio. Ils constatent le déplacement des cultures « conventionnelles » des montagnes vers les plaines permettant la mécanisation mais entrant en conflit avec les surfaces réservées à l’élevage de lamas, limitant ainsi les quantités de fumier disponible et risquant l’épuisement des sols.
En France ETHIQUABLE est une coopérative qui commercialise une partie de la production de CECAOT en label commerce équitable. Or, les premiers critères du commerce équitable sont de travailler avec les producteurs les plus défavorisés (ce qui n’est plus vraiment le cas avec le quinoa) et d’encourager la souveraineté alimentaire. Ceci est un exemple de la contradiction du commerce équitable lui-même dans sa définition actuelle. Même si ce produit est vendu équitablement, il est consommé uniquement par les populations du Nord au détriment de celles du Sud au moindre pouvoir d’achat.
« Alors, qu’est-ce qu’on mange ce soir ? »
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